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Togo / Violences à Badja-Agoudja : Mutilé en 2015, un cultivateur échappe de nouveau à la mort

Vendredi dernier, la localité de Badja-Agoudja a été ameutée par un incident qui rappelle l’insécurité qui règne dans le pays. Alors qu’il s’est rendu dans son champ, le sieur Yao Nomenyo a été victime d’une tentative d’assassinat par des hommes armés de machettes. D’après les informations, ce n’est pas la première fois qu’on attente à sa vie. Le 23 mars 2015, alors qu’il s’était rendu dans son champ, il a été violenté. Sa main gauche a été amputée. « C’est au même endroit qu’on a tenté de me tuer », raconte-t-il.

« Le matin-là, j’ai dit à ma famille que je m’en vais au champ. Je me suis rendu dans le champ et subitement, je vois un homme s’approcher, puis un second, un troisième et quatrième homme, tous armés de machettes venir à ma rencontre. Ils m’ont demandé pourquoi, j’ai encore mis pied dans le champ. Ils m’ont clairement signifié qu’ils ont été envoyés pour me tuer. Quand j’ai entendu ça, je n’ai pas hésité à m’enfuir. Ils m’ont poursuivi, mais comme je suis rentré dans les buissons, j’ai pu leur échapper. J’ai couru un bon moment pour m’éloigner du lieu avant de sortir mon téléphone pour alerter mes proches qui sont venus », rapporte la victime. « Si je n’avais pas eu de téléphone sur moi, ils m’auraient sûrement rattrapé. A l’heure où je vous parle, je serai un cadavre quelque part », poursuit-il la peur au ventre.

Au sein de la famille de la victime, on lie cet incident à un problème foncier datant de plusieurs années. Selon les proches de la victime, le champ dans lequel les quatre hommes armés de machettes ont attenté à la vie du sieur Yao Nomenyo a été vendu à un acquéreur du nom d’Amouzou par le mandataire de la collectivité. Une vente à laquelle s’étaient opposés les autres membres de la famille menés par Yao Nomenyo. « Dans la famille, ceux qui veulent brader nos ressources disent que je suis l’obstacle et que si je meurs, ils n’auront plus personne qui puisse leur tenir tête et s’opposer aux ventes », explique Yao Nomenyo.

« J’ai peur pour ma vie. Je ne me sens plus en sécurité dans ce village. Les membres de ma famille ont aussi peur pour leurs vies. Le pire, c’est que je ne peux pas faire confiance à ceux qui sont là pour nous protéger », s’indigne la victime, allusion faite à la Gendarmerie de la localité.

Une suite de violences impunies

Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, ce n’est pas la première fois que Yao Nomenyo est victime de personnes mal intentionnées. Celui qui porte les traces d’une précédente violence raconte avoir déjà été victime. Le 23 mars 2015, raconte-t-il, il a été pris à partie par un jeune bien connu de la famille. « Le 23 mars 2015, quelqu’un m’a coupé la main gauche dans des conditions pareilles que ce qui vient de se passer (il parle de la tentative d’assassinat dans son champ, Ndlr). La personne qui m’a coupé la main a été arrêtée puis libérée », explique la victime.

Et de poursuivre : « A l’époque, la juge en charge du dossier m’a contacté pour me dire de venir prendre 500.000 FCFA. Elle m’a dit que la personne a versé 750.000 FCFA et que les 250.000 FCFA sont sa part. J’ai refusé d’aller prendre l’argent jusqu’à ce jour. En plus, la juge m’a interdit de tenter toute action contre la personne, et que si je le fais, elle allait m’enfermer. Quelqu’un m’a mutilé et au lieu de me rendre justice, on libère la personne contre 750.000 FCFA. Même ce que ma famille a dépensé à l’hôpital dépasse largement ce montant ».

Des autorités complices ?

D’après la victime et sa famille, si les violences se poursuivent à Badja-Agoudja, c’est parce que les autorités traditionnelles et administratives, et la gendarmerie seraient complices. «Récemment, j’ai encore reçu une convocation à cause du terrain sur lequel je cultive parce qu’on l’aurait vendu. Peu de temps après, j’ai reçu une deuxième convocation parce que j’aurai menacé de mort. Ce qui est faux. Il y a eu une troisième convocation à laquelle je n’ai pas répondu en raison du fait qu’on ne me laisse jamais m’exprimer à la Gendarmerie. Chaque fois, je reçois des convocations venant de la gendarmerie pour la simple raison que je m’oppose au bradage de notre domaine familial. Mais quand on y va, on ne me donne pas la possibilité de m’exprimer. J’ai donc décidé de ne plus répondre aux convocations venant de la gendarmerie parce que ceux qui me convoquent disent qu’ils vont m’envoyer en prison. Je suis donc allé saisir la justice. C’est dans cette période qu’on m’a fait parvenir un « soit-transmis » parce que je n’ai pas répondu à la dernière convocation », rapporte Yao Nomenyo.

En plus de la Gendarmerie qui est mise en cause dans cette affaire, le préfet de l’Avé aurait également contribué à la méfiance de la victime vis-à-vis de l’égard des autorités locales, aussi bien traditionnelles qu’administratives. « Quand j’ai eu la main coupée, le préfet de l’Avé est allé sur les ondes pour dire que je mens et que j’ai été mutilé en Sierra Leone. Il a dit que cela ne s’est pas passé au Togo, encore moins dans l’Avé», accuse la victime.

Nous avons contacté le préfet de l’Avé, Kossi Awu pour lui faire part de la situation. Il s’est étonné de ce que la victime n’ait pas saisi la gendarmerie de l’incident. Nous lui avons rapporté la méfiance de la victime et ses proches envers les autorités du milieu et la gendarmerie. Il nous a demandé de conseiller à Yao Nomenyo de le contacter. Ce que ce dernier a refusé de faire.

G.A.

Source : Liberté N°3697 du Mercredi 14 Septembre 2022










CITÉ AU QUOTIDIEN : Au citoyen de se redonner toute sa place

Par Maryse QUASHIE et Roger Ekoué FOLIKOUE

Le 5 septembre 2022, les épreuves de l’examen du Certificat de Fin d’Apprentissage (CFA) rassemblaient 39 139 candidats dans différents centres du pays (Togo). Il s’agit en fait de l’examen officiel donnant accès au premier diplôme professionnel couronnant, selon les spécialités, deux à quatre années d’apprentissage. Lors de sa tournée dans différents centres d’examen le Ministre délégué en charge de l’enseignement technique, professionnel et de l’artisanat a déclaré aux candidats : « Le Togo est en construction. Il a besoin de vous. » C’est à peu près le même discours qu’il a tenu devant les candidats au CAP (Certificat d’Aptitude Professionnelle) et au BT (Brevet de Technicien), diplômes professionnels qui s’obtiennent tous avant le baccalauréat de l’enseignement secondaire et qui conduisent directement à la vie active.

Cela fait pratiquement 45 000 personnes qui ont reçu une formation professionnelle, autant de personnes qui vont construire le pays, d’autant plus que selon les termes du même ministre : “On ne peut pas toujours attendre d’être employé. Il faut déjà que nos élèves intègrent dans leur mentalité que la manière la plus sûre d’avoir un emploi c’est de le créer”. Et le ministre a raison car dans la plupart des spécialités les diplômés intègrent directement la vie professionnelle sans attendre d’être recrutés par qui que ce soit.

Tout cela implique que l’enseignement professionnel et l’apprentissage doivent être spécialement « chouchoutés », parce que dans le même temps les diplômés nantis du Baccalauréat premier diplôme universitaire, ou de la Licence et même du Master, sont souvent confrontés au chômage.

Malheureusement pour qui se serait hasardé à aller visiter tôt le matin les centres non visités par les autorités, cela aurait été choquant de voir les candidats (arrivés avec leur propre matériel ; en couture : les filles qui forment 70% en général des candidats au CFA, doivent apporter non seulement leur machine à coudre mais aussi leur table pour la coupe !), obligés de prendre balais et chiffons pour rendre propres les salles d’examen. De fait, on peut se dire que c’est pour apprendre aux candidats à prendre en charge les locaux dont ils vont se servir, ce qui est un choix d’éducation honorable. Mais voilà, il n’en est pas de même pour les candidats aux différents examens de l’enseignement général, du CEPD (Certificat d’Etudes du Premier Degré), au Baccalauréat en passant par le BEPC (Brevet d’Etudes du Premier Cycle).

La personne qui aurait persisté et observé le déroulement des épreuves durant les jours qui ont suivi, aurait aussi été étonnée par un certain manque d’organisation, les longues heures d’attente des candidats non informés, désorientés.

A celui qui essaierait de comprendre pourquoi il en est ainsi, on pourrait évoquer l’héritage colonial. En effet, « … le choix d’études secondaires professionnelles ou technologiques est souvent perçu aujourd’hui par les familles comme synonyme d’enfermement dans un statut socioprofessionnel subalterne. (…). A la logique de promotion des enfants des milieux populaires qui était celle des enseignements technologiques et professionnels à l’origine, s’est donc substituée aujourd’hui une logique de relégation, la plupart des élèves de l’enseignement professionnel et une partie significative de ceux de l’enseignement technologique étant contraints de choisir ces enseignements en raison de leur échec ou de leurs résultats trop médiocres au collège. » Ce qu’affirme en ces mots TROGER en 2006, à propos de la France, ne reste-t-il pas valable aujourd’hui en Afrique Francophone et au Togo spécialement ?

Pourtant, à choisir un modèle colonial à copier, dans le contexte d’un pays en développement où on a besoin de professionnels dans tous les domaines, n’aurait-il pas mieux valu prendre celui de l’Allemagne qui dès 1911 créa une école professionnelle à Lomé (actuel Brother Home), école professionnelle dont les produits ont été pendant longtemps très appréciés ? Et même mieux que cela, qu’est-ce qui empêche les Togolais si admiratifs du côté pratique de la formation donnée au Ghana, d’aller y regarder de plus près pour s’en inspirer ?

Mais pour en arriver là, il faudrait que le citoyen ait son mot à dire dans les orientations données au système éducatif. C’est en effet au citoyen de se prononcer sur le profil à donner aux enfants, aux jeunes, aux adultes confiés au système éducatif. Que veut-il qu’on en fasse ?

Il est en effet important que tous les citoyens reçoivent une formation telle qu’ils bénéficient tous :

du socle commun donnée dans une éducation de base qui leur permette soit d’entrer dans la vie active, soit de poursuivre leur formation,
de la chance de compléter cette formation de base selon leurs désirs et leurs aptitudes,
de manière à s’intégrer dans la société et de contribuer à son fonctionnement et à sa transformation.

C’est après cette définition des rôles attribués au système éducatif que les dispositifs sont mis en place. Cela signifie qu’on a tenu compte de la contribution culturelle et intellectuelle des citoyens avant d’utiliser leurs contributions financières (impôts et autres allocations) pour bâtir et faire fonctionner le système éducatif.

Et lorsqu’on est amené à apporter des modifications aux différents dispositifs et contenus du système éducatif, il faut toujours le faire en rapport avec les différents profils décrits par le citoyen. Et bien évidemment cela ne peut se faire qu’après une évaluation de ce qui a été fait auparavant.

L’évaluation est fondamentale dans tout cela car elle est un signe de la redevabilité des différents acteurs politiques et administratifs envers les citoyens qui sont les vrais guides du système éducatif. Ainsi aucune décision concernant le système scolaire ne peut être simplement administrative ou pédagogique car en tout dernier ressort elle se prend sous le contrôle du citoyen. Mais aucune décision ne peut être non plus purement politique car elle doit tenir compte des choix fondamentaux des citoyens mais également de l’éclairage des intellectuels et des experts.

On le voit bien, la gestion du système éducatif répond, elle aussi, aux règles du fonctionnement démocratique qui donne la souveraineté à l’ensemble des citoyens, qui eux la délèguent aux élus, tout en prenant appui sur les différentes forces de contrôle, comme la presse par exemple.

Voilà bien pourquoi, à l’occasion de la Journée Internationale de la Démocratie, fêtée le 15 septembre chaque année, le Secrétaire Général de l’ONU, Antonio GUTERRES déclare pour 2022 :

« Cette année, nous nous intéressons à certains fondements des sociétés démocratiques : la liberté, l’indépendance et la pluralité des médias. Les tentatives pour faire taire les journalistes sont de plus en plus audacieuses, qu’il s’agisse d’agressions verbales, de surveillance en ligne ou de harcèlement juridique, des actes commis notamment contre des femmes journalistes. Les professionnels des médias sont en butte à la censure, à la détention, à la violence physique, voire au meurtre – souvent en toute impunité.

Sans liberté de la presse, la démocratie ne peut survivre. Sans liberté d’expression, il n’y a pas de liberté tout court. »

Il est vrai que le règne de la liberté d’expression dépend avant tout du gouvernement mais l’effectivité de la liberté d’expression dépend aussi de ceux qui devraient l’exercer en tout premier lieu, les citoyens. Ainsi lorsque en décembre 2021, lors d’une conférence de presse l’ONG, Solidarité et Action pour le Développement Durable (SADD) plaidait pour l’adoption rapide du Code de l’apprentissage au Togo, en avançant, à partir d’une étude faite par ellemême, que les droits de plus de 100 milles apprentis sont quotidiennement bafoués et violés dans le pays et en dénonçant les abus multiformes dans les centres d’apprentissage, notamment, le non-respect des horaires de travail, les punitions corporelles, les violences verbales, les travaux domestiques et les travaux champêtres presque obligatoires pour les apprentis au profit des maîtres-artisans, qu’ont fait, qu’ont dit les citoyens?

Nous les citoyens qu’allons-nous faire de ces paroles du Secrétaire Général de l’ONU :

« L’heure est venue de défendre les principes démocratiques que sont l’égalité, l’inclusion et la solidarité. Et de se tenir aux côtés de ceux qui s’efforcent de garantir l’État de droit et de promouvoir la pleine participation à la prise de décision. » ?

citeauquotidien@gmail.com

Lomé, le 16 septembre 2022


 

 

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