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CITÉ AU QUOTIDIEN : POUR QUE LA POLITIQUE NE TUE PAS LE POLITIQUE EN AFRIQUE

Par Maryse QUASHIE et Roger Ekoué FOLIKOUE

Comme annoncé, nous avons pris une pause durant le mois de juillet. Et voilà, nous sommes de retour ! Notre, ou plutôt votre tribune « CITÉ AU QUOTIDIEN » reprend ses habitudes et se redonne son droit d’observation et d’analyse de la vie de notre pays, de notre continent et de notre monde en pleine mutation. Il se trouve que l’actualité est riche d’évènements à commenter et à disséquer. Que choisir ?

Nous aurions pu recommencer à décortiquer les conséquences de la rencontre de l’Afrique avec l’Occident, les douloureuses expériences de l’esclavage et de la colonisation. Nous aurions pu montrer comment la politique du « diviser pour mieux régner » a traversé les siècles. Nous aurions pu rappeler que tous les pays africains ont connu cette pratique et en ont beaucoup souffert.

A ce propos, nous aurions pu, encore une fois, accuser l’Occident d’avoir manipulé certaines autorités politiques et même d’avoir organisé çà et là des coups d’état et même des assassinats, ce qui n’est pas faux historiquement.

Mais pourrions-nous oublier et ignorer l’instauration, par des Africains, du régime à parti unique qui a fait de la diversité ethnique et culturelle son pire ennemi sous la fausse idéologie de l’unité nationale ? En effet, faire croire que l’unité nationale suppose l’unanimisme et conduit à lutter contre la pluralité, n’est-ce pas reprendre la politique du diviser pour régner ?

En fait, la politique du creuset national a été un slogan qui n’a produit aucun effet positif mais, au contraire, elle a favorisé une politique de délation de toute personne osant ou même semblant avoir un point de vue différent. Elle a instauré la politique du culte des hommes et femmes politiques au détriment de la construction du vivre-ensemble, fondé sur la reconnaissance de la diversité et de la pluralité comme éléments fondamentaux.

Au lieu de mettre en valeur nos diversités culturelles et ethniques, de valoriser toutes les compétences, de mettre en place des systèmes éducatifs adéquats, qui sont comme un processus de libération des énergies et d’émancipation, on a mis en place une politique de zombification, qui consiste à travailler pour les autres, notamment les chefs, et en dernier ressort pour l’Occident, celui-ci, offrant en retour, des moyens de conservation du pouvoir pour ceux qui y étaient déjà.

Nous aurions également pu dénoncer comment la politique du « dormir sur la natte des autres » (Joseph KI-ZERBO) a fait de nos pays et de notre continent des experts en consommation de tous les biens dans tous les domaines comme si nous étions des incapables sans aucune créativité.

De la même façon, nous aurions pu décrypter comment la politique du « vaincre sans avoir raison » (Check Hamidou KANE) que nos pays ont subie dans la douleur est devenue un héritage dont les autorités ne veulent plus se débarrasser alors que la priorité pour les pays africains était de construire des nations unies sur un continent qui doit se libérer des frontières qui ont divisé les cultures.

Nous aurions pu, en réponse à la question de savoir si la politique des années 1960 à 1990 a favorisé le vivre-ensemble en Afrique, déclarer qu’après les indépendances, la politique n’a pas été mise au service du politique. Au contraire, nous aurions affirmé que la surabondance de politique sans une grande vision a suscité beaucoup de politiciens qui ont fait de la politique le moyen de s’enrichir et d’avoir un statut social. En effet, une longue négligence du politique est la base du malaise qui a conduit au désir du changement de régime. Mais hélas, l’option pour la démocratie a été un prolongement de la politique pour la politique au lieu d’être la recherche de la politique au service du politique (le bien vivre ensemble). La politique de la multiplication de partis, même quand c’est le même qui se démultiplie, a supplanté le pluralisme politique, élément dynamique de toute communauté politique. La lutte pour le pouvoir, ayant le pouvoir comme finalité, a atteint dans tous les pays africains son paroxysme et cela a conduit à des partis dit d’opposition qui ne donnent pas pour autant l’espoir d’une meilleure gouvernance.

La politique de l’option pour la démocratie se présente par conséquent comme un trompe-l’œil, sinon comment comprendre que des chefs d’État, qui étaient contre la démocratie en 1990 à La Baule sont devenus des chantres de cette même démocratie ? On a cru à une conversion, mais hélas la peur de perdre le pouvoir par des élections a conduit, de façon perverse, à l’idée d’organiser des élections truquées pour conserver le pouvoir. Et finalement les élections ne sont pas en Afrique une forme de dévolution pacifique du pouvoir. La politique du pouvoir pour le pouvoir ne permet pas d’entrevoir une vie après le pouvoir et, dans ce contexte, l’astuce consistant à modifier la Constitution ou à faire sauter le verrou de la limitation de mandat, semble devenir une marque africaine protégée.

En définitive, nous aurions pu conclure que la politique du pouvoir pour le pouvoir et non pour mieux organiser le vivre-ensemble a tué le politique en Afrique et n’a permis, dans aucun pays africain, l’espérance d’un mieux-être en ce 21ème siècle. Car la politique qui se contente de plaire au chef, de se servir au lieu de servir, la politique fondée sur l’incapacité d’anticiper et donc de prévoir sur une longue durée, a abouti à la recherche des réponses toujours immédiates, mais peu aptes à s’insérer dans une perspective de développement. Oui, la politique du pouvoir pour le pouvoir n’a pas transformé les conditions de vie en Afrique, ainsi en matière d’éducation, tout le système est à repenser dans les pays africains pour en faire de vrais lieux d’excellence et des pôles d’attractivité.

L’absence de structures de transformation des produits locaux, la crise du Covid-19, la guerre en Ukraine, qui a privé nos pays d’engrais, ont montré de vraies lacunes sur un continent immense et plein de potentialités. En conséquence, la politique de non-anticipation a conduit Macky SALL (président de l’Union Africaine) et Moussa Faki MAHAMAT (président de la Commission de l’UA) à aller supplier le président POUTINE de la Russie de ne pas affamer les populations africaines alors que cette situation pouvait être évitée au moment où le continent est l’objet de tant de convoitises pour ses différentes ressources naturelles, agricoles et minières, etc.

Bref, nous n’aurions pas eu du mal à le démontrer, la politique de l’absence d’anticipation et de projection dans le temps, autrement dit, toutes les pratiques correspondant à une mauvaise gouvernance ont conduit les pays africains à ne pas pouvoir faire face à la cherté de la vie qui écrase actuellement les citoyens dans les différents pays africains. Et l’Afrique, malgré ses nombreuses richesses, demeure le continent le plus pauvre de la planète, avec 54 pays devenus d’éternels assistés sans horizon de sortie de crise, pays allant de crise en crise : politique, économique, financière, alimentaire, sanitaire, etc.

Nous aurions pu, dans notre nouvelle tribune, montrer comment la politique du pouvoir pour le pouvoir et la politique utilisée comme instrument de domination, incapables d’organiser l’être-ensemble en un vivre-ensemble harmonieux, n’ont pas créé des dégâts qu’à l’intérieur des États, mais aussi dans les différentes organisations sous-régionales et continentales. C’est ce que dévoilent par exemple l’UEMOA et la CEDEAO, d’une part à travers la crise malienne où elles sont apparues comme de simples instruments recevant des ordres d’ailleurs, et d’autre part dans la fameuse lutte contre le CFA où les présidents MACRON et OUATTARA ont offert aux citoyens de la CEDEAO la piteuse image de transformation du CFA en ECO, et encore récemment, à travers la visite de MACRON en Guinée Bissau pour rencontrer l’actuel président de la CEDEAO, Umaro Sissoco EMBALO, pourtant relativement jeune puisqu’il est né en 1972.

Finalement en exposant toutes ces analyses, nous en serions arrivés au constat suivant : repenser le politique en Afrique devient une urgence et cela suppose une vision avec des objectifs à court, moyen et long termes. C’est dans ce sens que la politique est véritablement une manière d’organiser le politique pour l’épanouissement de chacun dans une communauté nationale, sous-régionale, continentale et mondiale, cadre indispensable pour la réalisation de l’humain dans une diversité reconnue. C’est seulement dans ce cas que la politique ne tuera pas le politique, mais sera mise à son service.

C’est ce que nous vous proposons pour cette reprise car c’est une réflexion qui permet d’englober presque tous les sujets brûlants de l’heure, c’est une manière d’aller avec vous à la racine des maux qui minent notre pays et notre continent.

citeauquotidien@gmail.com

Lomé, le 5 Août 2022

 

 

CITÉ AU QUOTIDIEN : POUR QUE LA POLITIQUE NE TUE PAS LE POLITIQUE EN AFRIQUE