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Togo-Sécurité sociale : Cinq questions sur la CNSS et ses investissements

Société nationale de boissons, centre hospitalier Dogta Lafiè, les derniers investissements de la CNSS suscitent des controverses. L’Echiquier essaie d’explorer quelques questions.

En février 2019, le chef de l’Etat Faure Gnassingbe faisait la première pose symbolique d’un hôpital de haut standing appelé à l’époque Saint-Pérégrin, du nom du saint patron et protecteur des malades. Située dans la zone d’Agoé, nord-ouest de Lomé, l’infrastructure devait s’étaler sur une superficie de 6000 hectares et coûter la bagatelle de 17 milliards CFA, un financement de la CNSS (Caisse nationale de la sécurité sociale). Alors que les travaux peinaient à démarrer plusieurs mois après le lancement par le chef de l’Etat, et devant les railleries au sein de l’opinion, le ministre Christian Trimua déclare en 2020 que l’hôpital sortira de terre début juillet 2020.

Deux ans après cette sortie médiatique, la question de l’hôpital suscite toujours des controverses. En plus du retard des travaux, le changement de nom, la CNSS vient de lancer un appel à souscription pour une ouverture et une augmentation du capital de la SOGEHP, une entité créée en 2019, qui a pour missions l’exploitation et la gestion de l’ex-hôpital Saint Pérégrin. Une ouverture de capital vers un club sélectif d’actionnaires qui suscite des polémiques, justifiées ou non.

Le nouveau nom est-il pertinent ?

“Peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, s’il attrape la souris, c’est un bon chat”, disait Deng Xiaoping, le père du miracle économique chinois, qui a transformé une économie de marché sociale en économie capitaliste, tout en gardant intact le régime politique du parti unique, parti-Etat du Parti communiste chinois (PCC). Donc, le nom importe peu, pourvu que l’hôpital voie… enfin le jour !

Saint Glinglin, pardon Saint Pérégrin, était raillé au fur et à mesure que les travaux traînaient. Cela jetait quelque peu du discrédit sur la parole publique des autorités et surtout de Faure Gnassingbe. Un changement de nom ferait taire les moqueries. Mais pourquoi diantre nommer une infrastructure qui n’est pas construite ?

Saint-Pérégrin devient donc Hôpital de la santé Dogta Lafiè, une contraction du moba et du nawda, langues gourmantché. “Le changement de nom participe à la volonté des autorités et des populations d’une appropriation du projet”, indique Mme Ingrid Awade, directrice générale de la Caisse, principale instigatrice des travaux.

Soit. Certes, une fois n’est pas coutume, il est admirable de baptiser aussi les lieux et immeubles publics en d’autres langues que le kabyè et l’ewé, mais on peut légitimement s’interroger s’il ne s’agit pas d’un manque de respect voire d’un mépris pour les autochtones d’Agoè. Cette invisibilisation de cette communauté dont les terres accueillent la structure est toute aussi dérangeante que cette mentalité «coloniale» qui vise à baptiser les lieux et rues publics de noms qui n’ont aucun rapport avec l’histoire des localités et leurs habitants.

La CNSS, un établissement public ou privé ?

L’ouverture du capital de la Société de gestion hospitalière (SOGEHP) au privé suscite la polémique quant à la nature de la CNSS. La Caisse Nationale de Sécurité Sociale du Togo (CNSS) est aujourd’hui un établissement public géré selon le droit privé, chargé d’une mission d’utilité publique et placé sous le contrôle de l’Etat. Elle gère trois branches du régime de sécurité sociale, à savoir les prestations familiales, les risques professionnels, la maladie. Les services sont essentiellement financés par les cotisations sociales recouvrées auprès des employés et des employeurs immatriculés et gérés aux fins de redistribution aux assurés sous forme de prestations légales.

La CNSS doit-elle construire un l’hôpital ?

Oui, absolument. Les couvertures-santé font partie des produits et services de la CNSS, il y a donc une sorte de compatibilité de mission entre un centre hospitalier, de surcroît privé, c’est-à-dire comptable de résultats financiers, et une caisse de sécurité sociale ou de retraite.

Le problème réside dans la réalisation effective de ces missions en faveur des assurés que sont les travailleurs et leurs familles. Le Dogta Lafiè sera-t-il accessible à tous ou seulement pour quelques happy few ? Sera-t-il gratuit pour les assurés ou devra-t-il couvrir seulement une partie des frais ?

L’ouverture du capital à des actionnaires sélectifs

La CNSS a fait une ouverture et une augmentation du capital de la SOGEHP vers un actionnariat quelque peu sélect. L’action vaut 1,5 million F et un minimum de 50 actions exigible pour devenir actionnaire.

Selon un expert, “le prix de l’action et le nombre minimum à souscrire dans une société anonyme traduit simplement une politique de sélectivité ou à l’inverse, de popularisation de l’actionnariat”.

Dans le cas d’espèce, le profil financier pro-nanti des actionnaires potentiels est relativement clair ; en d’autres termes, ceux qui ne peuvent “allonger” un minimum de 75 millions F ne sont pas les bienvenus. Il y a implicitement une volonté d’éviter une trop forte atomisation de l’actionnariat. À l’arrivée, ça devrait donner quelques actionnaires bien triés sur le volet et provenant d’un cercle dont les membres ne devraient pas être majoritairement de parfaits inconnus. Pour un hôpital privé, c’est une option qui vaut bien une autre et avec comme constance que le projet va viser en priorité une rentabilité financière et pas forcément une rentabilité économique.

Grosso modo, le Dogta Lafiè ne sera pas accessible à tous les Togolais. Il s’agit probablement d’un hôpital tourné vers les happy few, voire pour la minorité des nouveaux riches togolais et une clientèle occidentale. La construction de deux hôtels 3 et 4 étoiles sur un site de 12 000 m2, jouxtant le complexe hospitalier situé à Agoè, et qui fait partie intégrante du projet, montre clairement qu’il s’agit probablement d’un hôpital pour « la petite minorité », pour reprendre l’expression si chère à Faure Gnassingbe.

Les investissements de la CNSS sont –ils judicieux ?

Comme toute caisse de retraite et de sécurité sociale, la CNSS est absolument en droit de faire fructifier l’argent en vue d’en faire profiter ses assurés. La CNSS est actionnaire majoritaire de la Société nouvelle de boissons (SNB), et le Dogta Lafiè est aussi l’un de ses plus gros placements.

Cependant, un expert de la BCEAO explique : “Une Caisse de sécurité sociale, tout comme une caisse de retraite, c’est comme une compagnie d’assurance : elle investit prioritairement dans l’immobilier par prudence et selon les usages car la pierre ne trompe pas selon un bel adage. Elle réfléchit par quatre fois avant de mettre ses billes ailleurs et dans certains secteurs comme celui des boissons qui est fragile à bien des égards”.

Autre son de cloche. Mais l’objet de la SNB est contraire aux objets de la CNSS. La SNB fait de la boisson, à priori nocive à la santé des travailleurs. Il est incompréhensible que la CNSS réalise des placements censés déglinguer la santé des travailleurs et obérer ainsi la qualité des prestations maladie. Et en principe, un établissement public doit créer un autre établissement ayant des objets similaires.

A noter que la CNSS était actionnaire de l’ex BTCI, passée par pertes et profits, et aujourd’hui cédée pour une bouchée de pain à Ebomaf.

Le cumul de poste de la directrice de la CNSS est-elle grave ?

La directrice de la CNSS est Ingrid Atafeinam Awade. Il s’agit d’une femme puissante au sein de l’appareil politique au pouvoir. Ancienne directrice des Impôts, elle est présidente du Conseil d’Administration de la SNB, puis de la LONATO. Son cumul est-il de trop ?

« Être Directeur de la CNSS cumulativement avec les fonctions de Président de conseil d’administration de la SNB et de la LONATO relève d’une décision politique et de rien d’autre ; à ce propos, les décisions politiques valent ce que valent ceux qui les prennent : bonnes ou mauvaises à l’image des politiques qui en sont les auteurs », dit un analyste.

Il faut toutefois relever que cette triple responsabilité est conforme aux pertinentes dispositions de l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) qui autorisent par pays l’exercice de trois fonctions maximums de président de conseil d’administration et cinq maximums de membre de différents conseils d’administration.

Source : L’EchiquierN°082

 

 

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