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Cité au quotidien : Quelles propositions pour une vraie transition ?

Nouvelle édition de la rubrique Cité au quotidien. Les deux universitaires Maryse Quashie et Roger Folikoué s’interrogent sur la question de la transition politique dans la sous région ouest africaine, surtout dans les Etats ayant subi un coup d’Etat.

Cité au quotidien: Quelles propositions pour une vraie transition ?

« Quelles solutions aux processus complexes de retour à la paix dans le Sahel et à l’ordre constitutionnel dans les pays en transition politique ? » Il parait que c’est à cette question que tentera de répondre la conférence des chefs d’État africains qui se tiendra à Lomé le 21 avril 2022.

On peut s’interroger sur le battage médiatique autour de cet événement, allant jusqu’à l’organisation d’un colloque préparatoire à une rencontre qui somme toute va permettre aux chefs d’État de discuter de la question du « terrorisme » et des conséquences des récents coups d’état dans notre sous-région. Or, n’est-ce pas la question qui préoccupe les actuels dirigeants africains, en particulier ceux de la CEDEAO, depuis plusieurs mois ?

L’inquiétude de la classe politique au pouvoir est palpable : cela a commencé avec les troubles sociopolitiques de 2020 au Mali qui aboutiront à un coup d’état en Août jusqu’au départ mouvementé de la force Barkhane en janvier 2022. Qu’apportera alors la rencontre du mois d’avril ?

L’interrogation générale qui traverse toute analyse politique est celle-ci : pressés par l’actualité, notamment par la mobilisation des populations pour plus de démocratie mais aussi par la nécessité pour la France de revoir son positionnement en Afrique de l’Ouest, qu’auraient les chefs d’État à proposer en matière de transition politique ?
La première question à leur poser est la définition de ce qu’ils nomment pays en transition politique. S’agit-il seulement de ceux qui ont vécu un coup d’état, le Mali, la Guinée, le Burkina Faso ? Si on devait les soumettre à une interview il y aurait une question préalable : «Est-ce aux personnes qui sont au pouvoir de proposer une transition ? »

En effet, lorsqu’on parle de transition c’est qu’il y a une difficulté avec le régime en place, un changement à apporter. Alors comment les tenants de ce régime lui-même qui, en principe, fait tout pour convaincre les citoyens qu’il est le meilleur, pourraient-ils proposer non pas seulement un changement mais une transition, c’est-à-dire une période qui va permettre de passer à un autre système de gouvernement, et donc plus précisément de revoir la gouvernance en vigueur jusque-là ?
Cela introduit immédiatement la seconde question : « Un diagnostic a-t-il été fait à propos de la gouvernance passée ? »

Et comment effectuer ce diagnostic sans avoir pris la peine d’interroger les différentes forces en présence ? Les citoyens togolais ne se souviennent pas d’avoir été consultés au sujet des améliorations à apporter au système politique et économique en vigueur. Au contraire la répression est sévère contre toute critique, la presse est souvent inquiétée lorsqu’elle essaie de faire la lumière sur divers dysfonctionnements. Plus encore, nous vivons dans un contentieux post-électoral qui dure depuis plus de deux années et personne ne parle de la question de la limitation des mandats.

Alors dans quel sens, parle-t-on de transition? Ainsi vient la troisième question. « La conférence du mois d’avril ne serait-il pas un moyen de faire accepter une solution déjà élaborée par les chefs d’État ? »

Les conclusions du colloque préparatoire sont révélatrices à ce sujet. Selon le reportage de RFI, en date du 7 mars 2022 : « On peut toujours s’en sortir », rassure le professeur Issaka SOUARE, expert international sur les questions de paix, de gouvernance et de médiation : « Il faudra s’entendre sur le contenu essentiel de transition pour avoir une durée. Et à l’avenir, essayons aussi de jouer sur les facteurs qui peuvent avoir été à l’origine de ces coups d’état, c’est-à-dire, sur la gouvernance des gouvernants qui font souvent le lit aux coups d’état. »

Mais selon Djibrihina OUEDRAOGO : « Il y a la crise des légitimités des gouvernances et le terrorisme a finalement eu raison de nos gouvernants, parce que nos populations sont arrivées à un niveau où elles estiment que les gouvernements démocratiquement élus ne sont pas en mesure de contenir l’expansion du phénomène terroriste ».

On cite les problèmes de légitimité des gouvernances mais surtout le terrorisme. Ce ne serait donc pas vraiment la politique intérieure qui est à l’origine des coups d’état mais la pression de ce qu’on est convenu d’appeler le terrorisme. Dès lors on comprend la satisfaction du ministre togolais des Affaires Etrangères qui affirme à la fin du colloque : « Je me réjouis tout particulièrement des propositions visant la consolidation des États ».

« Que signifie consolidation des États ? » Telle est la question qu’on est immédiatement obligé de poser : s’agirait-il de la consolidation des régimes en place ? En effet, on se doute bien que la France, amie des « États » actuels, ne saurait être étrangère à ce qui se prépare, mais déjà on s’assure du soutien international en associant l’ONU par la personne de son Secrétaire Général.

En effet, c’est le 10 février 2022 que M. Robert DUSSEY s’est entretenu avec Antonio GUTTERES à ce sujet en affirmant que « cette initiative de Lomé permettra notamment de mieux comprendre l’évolution des dynamiques et logiques sécuritaires de la région sahélienne et de l’Afrique de l’Ouest et de développer une approche réaliste de l’accompagnement des transitions politiques dans un espace structurellement sous menace ». Il a donc sollicité le parrainage de cette conférence par les Nations-Unies.

Nous n’aurons pas beaucoup de temps à attendre, à peine plus d’un mois, pour avoir le fin mot de l’histoire sur cette conférence du 21 avril 2022.
Quoi qu’il en soit, les citoyens Togolais, ne se font guère d’illusion, car où a-t-on déjà vu un régime se saborder en décrétant une transition alors que jusque-là la transition était perçue comme un terme tabou car elle serait une proposition des organisations de la société civile ?

En tous les cas la vraie question qui se pose est celle-ci : « Si on devait entrer en transition au Togo, quels sont les éléments positifs sur lesquels les hommes politiques du régime actuel pourraient s’appuyer comme argument pour faire participer à un gouvernement post-transition ? »

– Comment vit le Togolais moyen ? Ou plutôt comment survit-il ? La pauvreté diminue-t-elle ? Dans quel état est le système de santé, de protection sociale ?

– Quel avenir prépare-t-on pour la jeunesse togolaise ? On parle d’aller chercher des compétences dans la diaspora mais que fait-on pour donner des compétences à la jeunesse togolaise ? Dans quel état est le système éducatif ?

– Et comment utilise-t-on les compétences qui sont à l’intérieur du pays ? Quelle politique de l’emploi des jeunes ? Quelle aide pour la création d’entreprise ?

Les mêmes questions devraient être posées aux chefs d’État qui vont se réunir le 21 avril 2022 à Lomé et des conclusions devront en être tirées sur la source des coups d’état et du “terrorisme”. C’est à ce prix qu’ils feront œuvre historique. Si la transition est enfin acceptée comme passage indispensable pour notre pays et les pays africains, cela doit être saisie comme une exigence interne pour refonder le vivre ensemble, pour poser des institutions justes et crédibles, pour opérer un vrai changement de régime pour une meilleure gouvernance. Repenser le politique (le vivre-ensemble) en Afrique doit être la finalité de cette conférence sur les transitions politiques. Et si tel est le cas alors le ministre Robert DUSSEY pourra évoquer à juste titre Paul RICOEUR, comme il l’a fait lors de l’ouverture du colloque des 5 et 6 mars 2022 : « la sagesse pratique consiste à inventer les comportements justes, appropriés à la singularité des cas ».

citeauquotidien@gmail.com

Lomé, le 18 mars 2022

 

 

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