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Togo-Affaire Ferdinand Ayité & cie : Me Elom Kpadé démonte les arguments du Procureur de la République

Après la sortie du Procureur de la République Talaka Mawama, mercredi nuit sur la TVT, l’avocat des confrères Ferdinand Ayité, Joël Egah et Isidore Kouwonou était ce jeudi matin sur les antennes de Taxi FM, dans l’émission Taxi Média Show. Me Elom Kpade s’est prononcé sur le dossier et a surtout relevé que la poursuite contre les journalistes n’est fondée sur aucune base légale. A l’en croire, tout tourne autour de l’appellation de YouTube comme réseau social alors que ni le code de la presse, ni même le code pénal sur la base duquel on poursuit les confrères, n’a défini ce qui est appelé réseau social. Voici la transcription de son intervention.

« Le Procureur de la République est dans son rôle, il est dans son job. Mais en ce qui me concerne en tant qu’avocat des trois journalistes qui sont inculpés, je peux dire que nous sommes dans l’obligation de faire preuve de pédagogie pour que ceux qui nous écoutent, la population togolaise, soit suffisamment informée et outillée pour apprécier à sa juste valeur ce qui se passe par rapport aux trois journalistes en question.

En réalité, je dirai que les journalistes au Togo sont soumis dans leur globalité à ce que nous appelons le code de la presse. Le gouvernement a fait un grand pas en avant en dépénalisant en 2004 ce que nous pouvons appeler les délits de presse. Vous allez alors me poser la question de savoir, si les délits de presse sont dépénalisés, pourquoi alors les journalistes en l’espèce sont poursuivis, arrêtés et écroués. Celui qui poursuit, qui est le Procureur de la République, estime que les trois journalistes ont animé une émission sur YouTube et que les dispositions de l’article 3 alinéa 2 du code de la presse excluent du champ d’application les réseaux sociaux. Tout le débat que nous sommes en train de mener depuis jeudi à aujourd’hui est là-bas. Est-ce que YouTube fait partie des réseaux sociaux de sorte à rentrer en poursuite contre ces journalistes sur la base de l’alinéa 2 de l’article 3 ?

J’avais dit tantôt qu’il est important qu’on fasse preuve de pédagogie. Dans ces conditions, je pars d’abord de ce que nous appelons les fondamentaux du droit pénal. Premièrement, le droit pénal dit que le Procureur ne peut pas poursuivre s’il n’y a pas de texte qui établisse formellement l’infraction pour laquelle la personne est poursuivie. Le même droit pénal nous dit que les exceptions doivent être interprétées de manière stricte. Je reviens alors à notre code de la presse. L’article 5 a procédé à ce que nous pouvons appeler la définition des expressions qui y sont utilisées. En aucun moment, le législateur togolais n’a défini ce que nous pouvons appeler réseaux sociaux. Et donc il y a ce que chaque juriste qualifie de vide juridique autour de la question. SI le code de la presse n’a pas défini alors ce que l’on peut appeler réseaux sociaux, il est nécessaire qu’on retourne au code pénal. Le code pénal non plus ne l’a pas fait. Donc ce qui voudra dire qu’aussi bien le code de la presse que le code pénal n’a défini ce que nous pouvons appeler par réseaux sociaux au Togo.

Vous pouvez alors me poser la question de savoir sur quelle habilitation légale précise le Procureur est en train de poursuivre mes clients. Je me pose également la même question, puisque si nous nous référons aux principes du droit pénal que j’ai tantôt évoqués, vous allez voir que nous pouvons qualifier cela d’un vide juridique. Alors on retourne aux créateurs mêmes de ce que nous appelons Youtube, ces créateurs qui, en réalité, sont des Américains. Si vous faites des recherches autour de la notion, les Américains ne classent pas le Youtube parmi les réseaux sociaux. Ils ont fait une classification exhaustive de ce que nous appelons les réseaux sociaux. Il y a Whatsapp, Imo, Instagram, un peu de tout, mais Youtube n’en fait pas partie. Pourquoi Youtube n’en fait pas partie ? Parce que ce qui caractérise essentiellement les réseaux sociaux, ce sont deux choses : la possibilité d’une discussion horizontale entre les intervenants et l’obligation faite pour ceux qui sont sur ces réseaux, d’avoir ce que nous appelons un compte. Ce n’est pas le cas de Youtube parce qu’un quidam peut naturellement avoir accès à Youtube, voir les vidéos là-dessus ; c’est ça la particularité de Youtube.

Donc par rapport à tout cela, je suis alors dans l’obligation de demander sur quel fondement exactement on poursuit mes clients. Le législateur du code de la presse n’a absolument rien dit sur la question. Et dans ces conditions, on dit souvent en droit que le doute profite à l’accusé. Le flou autour de la question devrait naturellement s’interpréter au bénéfice de ces trois journalistes qui sont arrêtés. Nous sommes dans les fondamentaux purs du droit pénal. Donc je ne comprends pas véritablement ce qui motive, pousse le Procureur à rentrer directement en poursuite contre ces journalistes qui sont arrêtés. Vous comprendrez, sur la base de tout ce que je viens de dire, qu’il n’y a pas véritablement d’assise légale, juridique ; on ne peut pas sous-entendre que la seule volonté du procureur fera désormais office de norme. C’est-à-dire que si le Procureur estime que le législateur n’a pas dit ceci, eh donc moi j’en déduis que c’est ceci qui sera fait, c’est ce que le législateur a essayé de dire…Le droit pénal fonctionne de manière stricte. En droit pénal, on ne raisonne pas par déduction, on ne raisonne pas par analogie, soit c’est « i » ou bien ce n’est pas « i ». Dans le code de la presse, la notion Youtube n’y est pas. Donc pourquoi poursuivre les journalistes sur cette base ? Je serai complètement à terre si aujourd’hui le Procureur de la République, dans sa sortie, me montrait une disposition claire dans le code de la presse pour me dire qu’à tel endroit, le législateur a martelé que parmi les réseaux sociaux, il y a Youtube. Donc les gens peuvent avoir les interprétations qu’ils veulent, mais avant d’élargir cette interprétation, il faut nécessairement avoir à l’esprit que nous sommes dans le cadre strict du droit pénal. Le droit pénal ne s’accommode pas avec les passions, le droit pénal ne s’accommode pas avec les émotions. C’est strict et c’est strict ».

Irrégularité de la procédure, promptitude du Procureur, lien avec le ministre de la Justice

« Procédure irrégulière, procédure alambiquée, j’avais dit tantôt que c’est un braquage juridique qui se fait. Vous pouvez mettre dans le palier tout ce que vous voulez. Donc cette procédure n’a rien de régulier, de légal. Je me demande jusqu’à présent sur quoi on fonde véritablement cette poursuite dirigée à l’encontre des journalistes.

Je vais ouvrir une parenthèse qui est quand même capitale par rapport à la sortie du Procureur de la République, puisque si j’ai bien entendu ce qu’il a dit, il a dit qu’il a été saisi par le Procureur Général sur dénonciation du ministre de la Justice et du ministre du Commerce. Et donc le 6 décembre, il s’est autosaisi et a enclenché l’action publique. Mais c’est très bien, je lui dis bravo sur ce point. Je luis bravo par rapport à la promptitude avec laquelle il a réagi ; c’est très bien. Mais de mémoire d’homme, je me souviens qu’il y a quand même des faits graves dans ce pays qui ont été commis par X ou Y, dénoncés par les organisations de défense des droits de l’homme, mais le procureur de la République ne s’est pas autosaisi, ne s’est pas précipité pour s’autosaisir et diligenter des enquêtes. Donc je me réjouirai dans le futur que s’il y a dénonciation de X ou de Y, la rapidité avec laquelle il a fait preuve dans ce dossier, qu’il fasse preuve de la même rapidité dans les autres dossiers ; comme ça, les raisonnements et les interprétations seront impartiaux (…) J’aurai souhaité à l’avenir que la promptitude avec laquelle il a réagi soit de mise dans tous les dossiers dans lesquels il y aura ou bien il y a dénonciation (…) ».

« En réalité, c’est le ministre de la Justice qui a procédé à la dénonciation, le parquet s’est autosaisi. Le ministre de la Justice estime avoir été injurié, insulté par les journalistes aujourd’hui incarcérés et donc le chemin est le suivant : le Procureur de la République aujourd’hui qui poursuit dépend directement du ministre de la Justice. En caricaturant, nous pouvons dire que le Procureur est son subordonné. C’est-à-dire le patron qui vient au boulot et qui dit à son subordonné ; ah il y a telle personne qui m’a insulté, va lui faire cette commission de ma part. Est-ce que le subordonné aura le choix ? C’est le schéma qui se dessine. Vous apprécierez ».

Probabilité de libération

« La procédure est au niveau d’un juge d’instruction qui instruit valablement la procédure avec toute l’indépendance qu’on lui connaît et donc j’ai confiance quand même en cette justice », il « fera preuve jusqu’au bout naturellement. Nous allons lui demander de libérer en attendant les journalistes, le temps pour la procédure de suivre naturellement son cours. Cette demande va se baser naturellement sur des arguments de pur droit (…) Le juge d’instruction, je sais qu’il ne se laissera pas apprivoiser par les arguments que le parquet est en train d’avancer, lesquels moyens n’ont pas véritablement d’assise légale (…) Si on devait faire application du pur droit, déjà à la fin de l’émission, ils devraient être normalement dehors ».

Source: Le Tabloïd Togo Info

 

 

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