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Armoiries du Togo : Merci Folikpo

Depuis ces derniers mois il ne se passe un jour au Togo sans que des politiciens d’un autre genre ne viennent donner leur avis sur tout comme pour prouver à ceux qui en douteraient encore, que désormais c’est eux les nouveaux Leaders et que c’est eux qui mènent la danse dans un folklore brouillon qui ferait rire s’il n’y avait pas la tragédie sociopolitique qui impacte la vie des Togolais depuis des décennies. Ils ont réussi à réduire les leaders politiques au silence. Ces politiciens d’un autre genre, reconnaissables à leurs styles vestimentaires (soutanes, Djalabia avec turbans assortis) ce sont les soi-disant hommes de dieu. On les entend partout, pas seulement les vendredis ou les dimanches et pas seulement dans les lieux qu’on leur connait habituellement (mosquée, églises, paroisses etc.), mais vraiment partout et tous les jours. Ils ont leurs avis sur tous les sujets allant jusqu’à vouloir trouver les causes des problèmes politiques du pays dans l’hymne national, dans le monument de l’indépendance et, dernièrement dans les armoiries du Togo.

Il est fort heureusement rassurant de savoir qu’il y a encore au Togo des compatriotes (dont sans doute une majorité silencieuse) qui refusent de tomber dans le piège de la sidérante infantilisation de la politique togolaise (voir « Une fausse Polémique sur les Armoiries du Togo », par K. Kofi FOLIKPO, dans ici-Lomé…com). Il n’y a pas longtemps, l’EPISCOPO a traité le chef de l’ANC de Juda. Le crime de JPF aux yeux de Monseigneur c’était d’avoir refusé de renoncer à sa propre candidature pour soutenir le candidat qui a été révélé au Prélat Catholique par Dieu en personne. Il n’y a pas eu beaucoup de monde pour venir au secours de JPF face à cette injustice de la part de l’Archevêque émérite de Lomé devenu tellement puissant qu’il ne tolère aucune contradiction dans sa désormais mission divine de sauver le Togo. Au contraire, des plumes célèbres, des journalistes et même des responsables de la société civile qui prétendaient œuvrer pour la démocratie se sont alignés tout raides derrière le Tout puissant Prélat pour soutenir la candidature de l’ancien Premier Ministre du Dictateur défunt. Par miracle, le massacre de la Place Fréau Jardin est passé en pertes et profits. Il a suffi à l’ancien PM d’Eyadéma de dire pour se tirer d’affaire que le massacre a été perpétré par des éléments incontrôlés, lesquels, par nature, échappaient à son contrôle. Et on l’a cru sur parole. Peut-être qu’il a été confessé et absout par Monseigneur dans la pure tradition chrétienne. Toujours est-il que personne n’a osé demander à l’ancien PM du dictateur de dire au moins les initiatives qu’il avait prises ou tenté de prendre pour faire traduire les éléments incontrôlés devant la justice alors qu’il devait les connaître selon ses propres dires. Lui qui se targuait il n’y a pas encore longtemps de bien connaître la maison et ses habitudes ne peut pas prétendre le contraire aujourd’hui.

Sûr de son fait, Monseigneur en a rajouté des couches successives par des attaques tous azimuts contre les autres candidats de l’opposition et particulièrement contre JPF après les élections présidentielles de février 2020 dont les résultats ont été un « fiasco » pour l’opposition et, accessoirement un « raz-de-marée » en faveur du pouvoir (résultats controversés). Mais alors que, n’en pouvant plus de ces attaques indignes venant de quelqu’un qui est censé être l’incarnation de la Justice Divine et du Pardon, JPF, désespéré, décide de se tourner vers la justice des Hommes pour laver son honneur et celui de ses compagnons, il fut moqué par des affidés du Prélat qui le somment de retirer sa plainte qu’ils considèrent comme un crime de lèse-majesté. Par un retournement des rôles dont le Togo a le secret, JPF en plus d’être le double-perdant du scrutin de février 2020, devient l’ennemi numéro un dans ce qui est supposé être sa propre famille politique.

Nul besoin d’aimer JPF, ni d’être militant de l’ANC pour le défendre car cela pourrait arriver à tout le monde. Et ce n’est pas la fête de s’entendre traiter de Juda ou de Djahili par une autorité pour qui l’on a du respect. En fait, ce qui est arrivé à JPF n’est que l’étape ultime de la façon dont une certaine élite religieuse tente depuis un certain temps de récupérer la lutte politique et se substituer à la classe politique classique. Persuadés que les leaders politiques classiques ne sont pas à la hauteur, de grandes gueules de différentes confessions religieuses ont flairé le filon et se sont engouffrées dans la filière politique en usant d’une stratégie infaillible : auréolés de leurs statuts divins de respectabilité, les religieux se veulent au-dessus de la mêlée et se posent en sauveurs. Etre au-dessus de la mêlée ne les empêche cependant pas de distribuer des points : de bons points aux uns, de mauvais points aux autres, en fonction de critères dont eux seuls et leur « dieu respectif » détiennent le secret.

Sous le couvert de propager la parole de Dieu, les Hommes de Dieu crachent impunément des attaques gratuites contre ceux qui à leurs yeux ne sont pas dignes de prétendre diriger le pays. Toutes les occasions sont bonnes pour faire passer le message. Les lieux de culte deviennent des amphithéâtres politiques où seul Dieu à travers son incarnation terrestre a la parole. Les fidèles, abusés et désabusés, écoutent sans broncher de véritables discours politiques dont les seules références sont le Coran ou la Bible, discours politiques qui virent très vite à des diatribes contre des Leaders politiques qui ne sont pas en odeur de sainteté. Parfois c’est même côte-à-côte que ces Leaders écoutent « l’autorité morale » adouber les uns et diaboliser les autres. Les propos de l’autorité morale peuvent parfois être des mensonges et des contrevérités, mais personne ne se lève pour protester. Dans la mosquée, chacun le sait, l’Imam est seul maître à bord. Personne ne peut le contredire sous peine de subir l’implacable anathème promis aux hérétiques. Dans l’église et les paroisses ce n’est pas mieux.

Pendant que ceux qui sont traités de diables baissent la tête, les heureux élus sont aux anges, au propre comme au figuré, sans se rendre compte que bientôt ils ne seront plus que des marionnettes entre les mains de forces obscures. Comme des enfants, ces heureux élus éphémères vouent une admiration fétichiste à leur nouveau maître. Le sommet de ce processus de récupération a été atteint avec « l’EPISCOPO » qui a réussi l’exploit de donner son nom à un mouvement politique, ce que personne n’a encore réussi dans notre pays. L’EPISCOPO a réalisé le tour de magie de créer un parti politique de fait sans s’embarrasser des contraintes et démarches administratives de création de parti politique. Et quel est donc le programme politique du parti de l’Homme de Dieu ? L’Hymne National ?, à la poubelle parce que contenant des paroles guerrières. Le Monument de l’indépendance ?, à déboulonner parce que lieu de sacrifices sataniques. Les adversaires politiques ? La malédiction divine s’en occupera, si ce n’est déjà fait.

L’intrusion de l’élite religieuse dans l’arène a donné à la lutte politique un coup de massue dont le Togo ne se relèvera pas de sitôt. L’infantilisation de la politique a franchi des sommets depuis longtemps. On est loin d’envisager l’avenir avec sérénité quand on apprend de la bouche d’un dinosaure de l’opposition que le « loup religieux » ne s’est pas lui-même introduit dans la bergerie mais qu’il y a été invité amicalement par les brebis elles-mêmes pour se faire dévorer. Cela s’appelle suicide. L’élite togolaise a lamentablement échoué. C’est suffisamment déplorable au regard des effets néfastes de cet échec inavouable sur la vie quotidienne de nos populations. Mais c’est encore plus déplorable de constater que cette élite défaillante ne recule devant rien pour entraîner la population dans sa chute.

Avant février 2020 les Leaders de l’opposition n’étaient pas unis. Tout le monde le sait. Mais au moins de temps en temps ils arrivaient à former des alliances (C14, G6 etc.). Certes ces alliances n’ont pas toujours résisté aux querelles intestines propres à tout regroupement humain. Mais au moins elles offraient, même sporadiquement, une plateforme d’échanges et d’espoir. Elles permettaient de glaner quelques avancées indéniables (limitation des mandats, scrutin à deux tours, effectivité de la décentralisation par la constitution de Conseils Municipaux avec des conseillé élus etc…). Mais depuis la dernière intrusion divine de l’EPISCOPO qui maudit à tour de bras et de sermons, aucune alliance n’est plus possible. Il suffit d’écouter les piques que les uns et les autres s’envoient pour s’en rendre compte. La ligne de non-retour a été franchie.

La jarre penchait, dangereusement mais elle pouvait encore contenir un peu d’eau potable, l’EPISCOPO l’a carrément renversée. Il y a des Leaders qui ne pourront plus jamais s’asseoir dans une salle et encore moins autour d’une table. Désormais on se parle par réseaux sociaux interposés et pas pour se jeter des fleurs. Avant le 22 février 2020 l’opposition togolaise était mourante. L’EPISCOPO est en train de l’enterrer depuis le 22 février après lui avoir asséné le coup de grâce.

L’opposition politique togolaise est en ruine. Il aura bien du pain sur la planche, celui qui va hériter de l’amas de décombres que les « dynamiteurs » et leur intouchable homme de dieu laisseront derrière eux avant de passer la main. Oui, les hommes de dieu finiront par passer la main et retourner à ce qu’ils savent faire de mieux. Sinon il faut seulement espérer que la population ne se laissera pas faire et qu’elle saura faire la part des choses entre les lieux de cultes et les arènes politiques.

Moudassirou Katakpaou-Touré
Francfort.
23 juillet 2020

 

 

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